Bio, biodynamie et véganisme : le trio vraiment gagnant dans le vin ?

30 octobre 2025

Essayez de commander un vin vraiment éthique en 2024 : c’est un vrai casse-tête ! Entre les étiquettes “biologique”, “biodynamique” et “végan”, on pourrait croire que tout ce petit monde défend la même cause. Pourtant, la réalité est bien plus nuancée : ces certifications n’avancent pas toujours main dans la main, surtout quand on analyse ce qu’elles signifient concrètement. Plutôt que de vous perdre dans les méandres du greenwashing, faisons le point, preuves à l’appui.

Si l’image du vin bio est très positive dans l’esprit des consommateurs — en 2023, 19 % des surfaces de vigne françaises étaient certifiées en bio selon l’Agence Bio —, ce label ne garantit pas pour autant un vin sans éléments d’origine animale. Pourquoi ? Parce que la certification bio, telle que délivrée par l'Union Européenne (règlement CE n°834/2007 et ses suivants), s’intéresse surtout :

  • À l’origine et au nombre des traitements appliqués à la vigne (désherbants, pesticides, fongicides, etc.), qui doivent être exclusivement naturels.
  • À la limitation des intrants œnologiques lors de la vinification (quantité de sulfites, acide métatartrique, etc.)

Ce que le bio ne dit PAS : il autorise tout à fait l’usage de produits animaux pour clarifier et stabiliser le vin, en particulier lors du collage. Protéines de lait, blancs d’œuf, gélatine de porc ou de poisson : toutes sont tolérées tant qu’on reste en-dessous des doses autorisées (Source : Ministère de la Transition écologique). Résultat : un vin bio n’est pas nécessairement végan, même s’il est clairement meilleur pour l’environnement.

Un cran au-dessus du bio, la certification biodynamique (Demeter, Biodyvin) impose un cahier des charges encore plus strict. On y tient compte du calendrier lunaire, de la vitalité des sols, et de la synergie entre les organismes vivants. Mais là encore, la vision du “vivant” inclut largement l’élevage animal.

  • Les préparations biodynamiques sont à base de bouse de vache (préparation 500), de cornes de vache, de matières animales diverses...
  • L’économie de la ferme biodynamique est conçue comme un “organisme agricole” : l’animal y a sa place centrale pour la fertilité, l’équilibre des sols, et même la gestion des déchets.
  • Pour la vinification, le collage avec blancs d’œuf ou caséine est parfaitement admis par Demeter, selon la section 5.2 de leur cahier des charges 2023.

En fait, pour la biodynamie, le véganisme n’a pas vraiment sa place : on y célèbre la complémentarité entre animal et végétal. D’ailleurs, beaucoup de domaines biodynamiques élèvent même leurs propres animaux… pour produire les préparations nécessaires au label ! Ce qui ne pose aucun problème du point de vue “biodynamique”, mais bloque totalement si l’on souhaite un vin 100% végan. En clair : biodynamie rime rarement avec véganisme.

Passons à la certification végan, le vrai allié des consommateurs bien informés ! Ici, le cahier des charges est limpide : aucun produit d’origine animale n’entre en contact avec le vin à n’importe quelle étape (de la vigne à la bouteille). La plupart des vins élaborés ainsi le signalisent à l’aide d’un logo Gold Vegan, V-Label ou Vegan Society.

On les reconnaît parce que :

  • Le collage (si pratique) est remplacé par des protéines de pois, de pomme de terre, de bentonite (argile naturelle), voire rien du tout !
  • On ne cultive pas “contre” l’animal (on ne chasse pas les oiseaux à tout prix, on respecte la vie sauvage)
  • La mention figure souvent sur l’étiquette, mais hélas, ce n’est pas systématique.

Petit détail, mais pas des moindres : rien n’empêche un vigneron bio, ou même biodynamique, de demander la certification végan… à condition d’abandonner tous les intrants animaux et de formaliser la démarche. Mais en France, sur les 7 500 domaines bios recensés en 2023 (source : Agence Bio), moins de 1 % affichent clairement un label végan — la majorité à cause d’un usage de produits animaux “traditionnels”, et aussi, parfois, par manque d’intérêt pour le sujet.

Si tout cela vous semble compliqué, c’est parce que… ça l’est. L’absence d’harmonisation entre les labels alimente une profonde confusion, même chez les initiés. Voici les points cruciaux à avoir en tête :

  • La certification bio ou biodynamique garantit la non-utilisation de pesticides ou engrais chimiques de synthèse.
  • Mais ni l’une ni l’autre ne bannit les intrants animaux (collage, engrais, préparations) : le lait, l’œuf, la gélatine restent autorisés.
  • Sans label végan officiel, impossible de deviner si le vin l’est réellement. Les allergènes (œuf, lait, poisson) doivent être signalés sur l’étiquette, mais uniquement si des traces détectables subsistent dans la bouteille (Que Choisir).
  • Résultat : de nombreux consommateurs achètent du vin bio, persuadés qu’il est végane, ce qui est souvent faux…

Pourquoi ce flou ? Quelques éléments d’explication

  • Les pratiques œnologiques traditionnelles sont très ancrées dans le métier (le blanc d’œuf est utilisé depuis des siècles… et il est économique).
  • L’intérêt pour le véganisme dans le vin reste largement minoritaire, même si la demande progresse : +5 % d’étiquettes “vegan” sur les vins européens entre 2017 et 2022 (Wine Intelligence).
  • Les organismes certificateurs ne travaillent pas ensemble et les réglementations bio ou biodynamiques ne visent pas spécifiquement le bien-être animal ou l’absence de produits animaux.

Malgré tout, certains vignerons décident de faire rimer agriculture écologique et engagement éthique total. C'est le cas du Château La Coste (Provence), du Domaine Zind-Humbrecht (Alsace), ou du Château Edmus (Saint-Émilion) : tous produisent des vins à la fois bio (voire biodynamiques) et porteurs d’un label vegan officiel. Ces initiatives restent rares, mais leur succès croissant montre que c’est faisable — et pas réservé aux “petits vins” ou à des profils “bobo” !

  • À La Coste, tout le process est végan depuis 2019 — aucun collage animal, aucun engrais organique issu de l'élevage industriel.
  • Chez Zind-Humbrecht, une gamme dédiée certifiée vegan (V-Label) est proposée depuis 2021, dans le respect des exigences biodynamiques Demeter et sans intrants animaux.
  • Château Edmus affiche fièrement ses trois labels : bio, biodynamie et vegan society — et le résultat est encensé par la critique internationale.

Bref, c’est possible… à condition de ne rien laisser au hasard et de communiquer franchement. Ces vins réconcilient vraiment écologie, éthique animale et recherche d’excellence.

  • Ne vous fiez jamais aux apparences : bio et vegan sont deux démarches complémentaires, pas synonymes.
  • Cherchez les logos “Vegan” officiels (V-Label, EVE VEGAN, Vegan Society). Ils sont délivrés après vérification des pratiques à toutes les étapes, y compris circuits de nettoyage des cuves !
  • Lisez les étiquettes : la mention des allergènes peut vous mettre sur la piste, mais l’absence d’indication n’est pas une garantie.
  • Faites-vous conseiller : la plupart des cavistes engagés connaissent la question et peuvent vous aiguiller.
  • Renseignez-vous en amont : certains domaines affichent leur démarche en ligne ou répondent volontiers aux demandes des consommateurs curieux.

Enfin, si débusquer l’information reste complexe, la tendance est à l’amélioration : le nombre de vignerons qui font le choix d’un vin à la fois bio, biodynamique et végane continue d’augmenter chaque année. Les consommateurs attentifs participent largement à cette mutation : plus de 10 % d’entre eux ont déclaré, dans une enquête OpinionWay pour l’Agence Bio (2023), vouloir connaître la dimension végane de leurs vins bio.

Les certifications bio et biodynamiques apportent beaucoup – pour le sol, la biodiversité et la santé humaine – mais restent sur des logiques qui n’intègrent pas explicitement l’éthique animale recherchée par le véganisme. Reste donc aux amateurs éclairés et exigeants à faire le tri, à bousculer les codes, et à poser, encore et toujours, des questions aux vignerons.

Le terroir change, les attentes évoluent : après le bio, la biodynamie, le véganisme s’impose comme la question clé de la prochaine décennie pour une partie de la filière. Entre certifications empilées, pratiques émergentes et coups de com', il y a de quoi (se) perdre, mais aussi de quoi s'enthousiasmer : jamais il n’a été aussi passionnant – et militant – de choisir une bouteille !

Sources : - “Vin biologique – réglementation”, Ministère de la Transition écologique : lien - “Wine Intelligence: Global opportunities for vegan wine”, 2023 - “Biodynamie – Cahier des charges DEMETER”, 2023 - Agence Bio – chiffres du baromètre 2023 : lien - “Vins et allergènes : les bonnes et mauvaises surprises”, Que Choisir, 2021