Bio, biodynamie et véganisme : amis ou faux amis dans le monde du vin ?

1 octobre 2025

Les rayons de vins « verts » se multiplient, sertis de médailles « bio », « Demeter » ou « Nature & Progrès ». On y croise aussi, timidement parfois, le logo Vegan. Mais attention à la confusion : ces labels témoignent-ils tous du même engagement ? Peut-on acheter bio ou biodynamique les yeux fermés quand on cherche un vin réellement végan ? La frontière est mouvante… et pleine de pièges pour qui veut consommer avec conscience.

Bien boire, c’est aussi bien comprendre. Démêlons d’abord ce que garantissent (ou pas) réellement ces labels, puis passons à la loupe leurs compatibilités (ou incompatibilités) avec le véganisme.

Certification biologique : exigences et zones d’ombre

  • La base : La certification bio (AB en France, Eurofeuille en Europe) implique l’absence de pesticides et engrais de synthèse et favorise la biodiversité.
  • Chiffre clé : En 2022, selon l’Agence Bio, 21% des vignobles français sont certifiés bio ou en conversion. Ce chiffre grimpe à plus de 40% en Provence !
  • Processus : Le contrôle du bio porte principalement sur la viticulture (la vigne) : traitements chimiques exclus, recours limité aux intrants… mais le cahier des charges pour la vinification reste large (source: Agence Bio).
  • Intrants autorisés : Environ 50 substances restent autorisées dans le vin bio européen (levures exogènes, sucre, enzymes, bentonite, blanc d’œuf, colle de poisson…).

Là où ça coince déjà pour le véganisme : le bio n’exclut absolument pas les produits issus d’animaux lors de la vinification. Blanc d’œuf, colle de poisson, gélatine de porc ou de bœuf, caséine (protéine du lait) restent usuels pour la clarification du vin (la fameuse "collage" pour clarifier rapidement le breuvage).

Biodynamie : une philosophie, mais pas toujours 100% végane

  • Le principe : Aller (beaucoup) plus loin que le bio : la biodynamie, via les certifications Demeter ou Biodyvin, vise une harmonisation du vignoble avec les cycles lunaires et cosmiques et minimise drastiquement les intrants.
  • Chiffre clé : Environ 1% des domaines viticoles mondiaux sont certifiés en biodynamie, soit près de 700 dans le monde (source: Demeter France).
  • Préparations mystiques… mais pas végans : Les préparations 500 ou 501 de la biodynamie s’obtiennent avec bouse de vache, cornes, intestins d’animaux remplis de camomille (oui, c’est sérieux).
  • Label strict sur le sol… ambigu côté animal : Pas de pesticides, mais les préparations animales sont le cœur du cahier des charges. Et, côté vinification, la biodynamie n’interdit pas non plus l’albumine, l’ichtyocolle (colle de poisson) ou la caséine, même si Demeter en limite la palette.

Autrement dit : un vin biodynamique peut être éthiquement irréprochable pour la planète… mais pas pour les végans, ni pour les allergiques !

Heureusement, pour clarifier cette soupe de logos, le label végane vient poser LA garantie qui manquait : aucune substance d’origine animale, à aucun stade du processus, ni dans la culture ni lors de la vinification.

  • Le label "Vegan Society" (UK) ou EVE Vegan (France) : Absence totale d’ingrédients animaux (même dans les colles à étiquettes, la cire des bouchons, etc.).
  • Processus vérifié : Audit poussé sur la chaîne de production, fiches techniques obligatoires des fournisseurs.
  • Attention : La mention "vin non-collé" n’est pas forcément un gage de véganisme (le vin peut avoir été clarifié par décantation… ou avec des produits non-végans avant l’assemblage).
  • Chiffre : Moins de 2 % des vins français sont explicitement labellisés véganes, un chiffre en progression selon V-Label ; le Royaume-Uni (plus de 50 % des nouvelles offres en 2021 sur le marché domestique sont véganes) montre la voie (source : Drinks Insight Network).

Le label vegan est ainsi le seul « filtre » fiable pour repérer du vrai vin végétalien, bio ou pas, biodynamique ou pas.

Produire bio ou biodynamique… sans le crier sur tous les toits

Sur le terrain, beaucoup de vigneron·ne·s vont au-delà du simple label, mais faute de moyens pour certifier, continuent à travailler « propre » sans logos visibles.

  • Plus de 15% des domaines bio ou biodynamiques font du vin sans collage animal, sans pour autant se labelliser végan (source : association Vegan France).
  • À l’inverse, certains vins non certifiés bio peuvent parfaitement être végans sur le plan technique… mais pas toujours sur le plan environnemental.

Un bio pas toujours éthique ET vegan

Paradoxe : le consommateur peut donc acheter un vin bio en pensant faire un geste globalement éthique… et pourtant, financer la filière gélatine ou ichtyocolle. Et inversement, un vin végan conventionnel peut avoir été traité aux herbicides.

  • Côté transparence : Depuis 2012, la loi européenne oblige les producteurs à mentionner uniquement l’utilisation d’agents allergènes (œuf, lait) sur l’étiquette. Mais pas de mention obligatoire pour les colles de poisson ou de gélatine ! (source : euvinbio.org).

Ce cocktail de règlements, de labels et d’usages métier fait que, à part questionner directement le vigneron ou le caviste pointu, repérer les vins vraiment cohérents (bio et vegan) relève parfois du parcours du combattant.

Label / certification Utilisation potentielle de produits animaux Impact environnemental Vérification par un organe indépendant
AB / Bio Europe Oui (sauf indication contraire du domaine) Minimisé (usage de produits phyto réduit) Oui (Ecocert, Bureau Veritas...)
Demeter / Biodyvin Oui (préparations animales INCLUSES) Exemplaire sur biodiversité Oui (Demeter, Biodyvin...)
Nature & Progrès Parfois (mais gélatine, œuf, éventuellement autorisés en collage) Très exigeant Oui (association d’agriculteurs, contrôles réguliers)
Vegan Society / EVE Vegan Non (aucun ingrédient animal autorisé) Variable (le respect de pratiques écoresponsables n’est pas obligatoire) Oui

4 réflexes à adopter pour une bouteille (vraiment) éthique

  • 1. Repérer la double certification (Bio + Vegan) : De plus en plus de domaines, notamment en Loire, Languedoc et Bordeaux, s’y mettent. Le Domaine La Tenaillerie (Beaujolais) affiche par exemple officiellement cette double démarche.
  • 2. Privilégier les vins non-collés… mais pas à l’aveugle : Demander « avec quoi clarifiez-vous ? » permet de trier les bons élèves.
  • 3. Fouiller les fiches techniques : Beaucoup de vignerons pointus (souvent en biodynamie) publient la composition ou leurs pratiques sur leur site, faute de logo explicite.
  • 4. Miser sur des cavistes engagés : Les boutiques spécialisées ou plateformes en ligne comme Aveine (ou La Garlandière) recensent régulièrement des sélections triées sur le volet.

Et demain ? Label "Vin naturel" et promesses en suspens

  • Le « vin nature » ne garantit ni bio, ni vegan. Selon une étude de l’INRAB (2023), 43 % des vins naturels contenaient au moins une substance animale lors du processus (rapport INRAB, 2023).
  • À quand un label public croisé Bio + Vegan + traçabilité complète ? Une demande croissante des consommateurs pourrait accélérer le mouvement.
  • L’Italie est pionnière avec plus de 1000 cuvées certifiées bio et vegan (source : V-label Europe). La France reste à la traîne mais progresse (+28 % de cuvées véganes en 2022).

Nul besoin de tomber dans le piège de la perfection : un vin propre et sincère, qu’il soit bio, biodynamique ou végan, c’est aussi une histoire de rencontre et de cohérence avec vos critères d’achat.

Mais en matière de transparence, soyez vigilants. Osez poser la question sur la provenance des intrants et sur la culture de la vigne. Chiffres à l’appui, le label bio ou biodynamique ne garantit pas a minima l’absence de produits animaux, et la certification vegan n’assure pas nécessairement des pratiques écologiques. Pour qui cherche le mieux des deux mondes, mixez exigences, curiosité… et un zeste de bouteille ouverte sur la réalité métier.

La prochaine décennie verra peut-être émerger enfin le vin qui coche toutes les cases : bon, propre, local, vegan et transparent du cep au bouchon. En attendant, investiguez, dégustez, débattez… et partagez les pépites qui vous semblent incarner le mieux cet idéal. Le goût du vin éthique, c’est aussi celui de la curiosité.