Vin bio, vin biodynamique et véganisme : le trio gagnant… ou pas ?

4 octobre 2025

Le cahier des charges du vin bio

Le vin bio, c’est le champion des rayons : « agriculture biologique », petite feuille verte étoilée… On salue le retour aux pratiques moins chimiques, avec l’interdiction des pesticides et des engrais de synthèse. Mais attention, le bio ne réglemente pas tout :

  • L’utilisation d’intrants d’origine animale (comme l’albumine d’œuf, la caséine de lait ou la colle de poisson) pour le collage du vin reste autorisée.
  • Le bio encadre surtout la viticulture (la vigne), moins la vinification – la magie qui transforme le jus en vin.

En résumé : “bio” dans le vin ne veut pas dire “vegan”. Ce point fait bondir nombre de consommateurs bien intentionnés, et ce n’est pas faute de le répéter dans les salons spécialisés.

Biodynamie : entre nature et ésotérisme

Rudolf Steiner, fondateur de la biodynamie dans les années 1920, a inspiré de nombreux vignerons. Les pratiques vont au-delà du bio : on parle de composts biodynamiques, de cycles lunaires, de préparations à base de bouse de corne (oui, vraiment !), et d’homéo-pathie des sols. Les deux organismes qui délivrent la certification sont :

  • Demeter – la référence mondiale, présente dans plus de 50 pays
  • BIO-DYN – une marque plus confidentielle créée par des vignerons, surtout présente en Allemagne et Autriche

La biodynamie impose généralement le bio comme base minimale, mais…—clin d’œil appuyé—cela n’exclut absolument pas les pratiques d’origine animale, ni à la vigne, ni à la cave.

Le tableau ci-dessous résume les grandes lignes sur l’emploi des produits d’origine animale dans la viticulture certifiée.

Certification Utilisation de produits animaux à la vigne Utilisation de produits animaux en vinification Label végane possible ?
Bio (AB, EU Organic) Possible (engrais, fumiers…) Possible (colles, albumine…) Non (par défaut)
Biodynamie (Demeter) Souhaitée, notamment le fumier Possible (similaire au bio) Non
Végan Non Non Oui (si contrôlé !)

On le constate très vite : bio et biodynamie tolèrent, et même encouragent, le recours à des ressources animales, au nom d’un «cycle naturel». Pour la certification vegan, c’est exclu. L’entretien du sol, la fertilisation, la clarification du vin : tout doit rester végétal ou minéral.

Au vignoble : engrais, composts et... bouse de vache !

  • La fertilisation des sols en bio repose souvent sur des apports organiques d'origine animale (fumiers, lisiers, cornes broyées, poudre de sang).
  • En biodynamie, c'est même un pilier ! La fameuse « préparation 500 » consiste à enterrer de la bouse de vache dans des cornes, censée dynamiser la vie du sol.

La réalité du terrain prime souvent sur les idéaux : même certains vignerons végans renoncent difficilement à ces fertilisants, faute d’alternatives aussi performantes, surtout sur des sols pauvres.

Dans la cave : la chasse aux intrants animaux

  • L’albumine d’œuf clarifie le vin blanc et rosé.
  • La caséine (issue du lait) adoucit certaines cuvées.
  • La colle de poisson (ichtyocolle) capte les impuretés.
  • La gélatine (souvent porcine) sert aussi au collage.

Tous ces produits sont autorisés en bio. La biodynamie s’y conforme, parfois à regret. Ces pratiques ont la vie dure, même si des alternatives minérales ou végétales (bentonite, pois, pomme de terre) émergent.

Un des paradoxes les plus subtils du vin : le bio et la biodynamie revendiquent une philosophie de respect du vivant, du sol et de la biodiversité… tout en intégrant l’animal dans la boucle ! Cette « circularité » s’inspire des écosystèmes fermés des fermes d’antan, mais ignore souvent la question du bien-être animal et de la non-exploitation.

Le véganisme, au contraire, bannit toute utilisation ou exploitation de l’animal, même indirecte. Un vin certifié végane peut donc très bien être issu d’un vignoble “conventionnel”, si la vinification et l’entretien du vignoble se sont faits sans produit animal. D’où un sacré casse-tête pour le consommateur concerné par les deux démarches !

  • Vegan Society (UK) : pionnière, symbolisée par la célèbre “fleur vegan”. Sens très strict, mais peu présent sur le marché français.
  • EVE Vegan : référence française depuis 2016 (plus de 14 000 produits certifiés en 2023, tous secteurs confondus), reconnaissable à la petite feuille stylisée.
  • V-label (Europe) : apposé sur de nombreux vins importés d’Espagne, d’Italie et d’Allemagne (source : “V-Label International 2023”).

Ces labels certifient l’ensemble des étapes du process, de la vigne au verre, pour garantir l’absence de tout ingrédient ou auxiliaire d’origine animale. À ce jour, moins de 3% des vins en France arborent un label végane (source : Observatoire des Marchés Vins et Spiritueux, 2023).

Oui, mais ils constituent une niche ! On en trouve surtout dans des domaines très engagés, souvent à la pointe de la transparence. Quelques tendances et chiffres :

  • En Italie, 350 domaines déclarent aujourd’hui être à la fois bios ET végans (source : Consorzio Vino Biologico, 2023).
  • En France, une douzaine de maisons revendiquent bio, biodynamie et label végane (Par exemple : Château Galoupet, Château les Hauts de Caillevel, Domaine Vincent Careme).
  • En Allemagne, certains domaines Demeter se tournent vers les labels végans, sous pression d’une clientèle nord-européenne très sensibilisée.

La difficulté ? Réaliser un vin de qualité sans jamais avoir recours à l’animal, tout en respectant les exigences (parfois antagonistes) des chartes bio et biodynamiques. Analyse de sol, traitements, rendement : tout devient plus complexe en l’absence d’intrants animaux.

Autre casse-tête : les terminologies de type “vegan friendly”. Rien de réglementaire ici ! Sur beaucoup d’étiquettes, cette mention n’est assortie d’aucun contrôle par un tiers indépendant. Seuls les labels “officiels” cités plus haut apportent un vrai gage de fiabilité.

  • Sur les fiches techniques : la transparence varie. Certains domaines jouent le jeu (rendez-vous sur les sites comme VegOresto pour vérifier dynamiquement).
  • En cave, n’hésitez pas à contacter les producteurs : ils sont souvent fiers d’expliquer leurs choix d’intrants.

C’est un vrai paradoxe, presque un sujet de dissertation pour CAP Sommelier ! Quelques raisons majeures émergent :

  1. La difficulté technique d’obtenir la même vitalité du sol sans apports organiques animaux, surtout sur le long terme.
  2. L’habitude solidement installée d’utiliser des colles animales en cave, au nom de la tradition (plus de 70% des caves traditionnelles françaises y ont recours en 2022, selon la Revue du Vin de France).
  3. Le flou ou l’absence de législation spécifique au niveau européen, qui laisse les caves libres de leurs choix d’intrants, même si elles sont bio.
  4. La demande, qui reste marginale en France malgré une forte progression (hausse de +85% des requêtes “vin vegan” sur Google.fr entre 2019 et 2023, source : Google Trends).

Cette progression laisse espérer plus de production végan-bio à l’avenir… mais le chemin sera long sans une impulsion réglementaire forte.

  • Regardez les étiquettes… mais aussi les contre-étiquettes : les labels vegan, bio, ou Demeter y figurent rarement ensemble, mais une mention type “totalement végétal” ou “sans intrants animaux” est un bon signe.
  • Renseignez-vous auprès des vignerons : les plus engagés sont très transparents sur leurs méthodes, n’hésitez pas à envoyer un mail ou à appeler.
  • Faites confiance aux cavistes spécialisés : ils référencent de plus en plus les vins végans certifiés.
  • Consultez des bases de données dédiées : Barnivore ou encore Veg-O-Vin pour la France.

Le débat sur la compatibilité bio, biodynamie et véganisme dans le vin n’est pas près de s’éteindre. Si le chemin est encore semé d’incohérences, une nouvelle génération de vignerons, souvent plus jeune et très sensibilisée, tente l’aventure du “triple engagement”. Certaines appellations prospectent des chartes permettant une synergie réelle entre vin végane, agriculture biologique et pratiques biodynamiques (coucou, l’Alsace !). Bonne nouvelle : il existe bien une montée en gamme du vin végane qui prouve, s’il le fallait encore, qu’engagement et plaisir peuvent faire bon ménage.