Vin bio, biodynamique et vegan : alliances impossibles ou promesse pour demain ?

28 octobre 2025

Le vin, c’est d’abord un monde de passion et de diversité – mais aussi, et de plus en plus, de labels. Sous un même bouchon, on peut retrouver plusieurs certifications : bio, biodynamique, vegan… ou aucune. Mais qu’impliquent vraiment ces mentions ? Peut-on être certifié bio ou biodynamique sans être végan ? Spoiler : oui, et c’est précisément le sujet brûlant qui secoue la planète vin aujourd’hui.

Bio et biodynamie, des cahiers des charges axés sur la nature

  • Le vin bio, en France et en Europe, obéit au règlement européen CE n°834/2007 et, depuis 2012, à un cahier des charges précisant non seulement la viticulture mais également certains points clés de la vinification. Ici, on bannit produits de synthèse, engrais chimiques de synthèse et pesticides systématiques. En 2023, 21 % du vignoble français était certifié bio ou en conversion (source : Agence Bio).
  • La biodynamie – via Demeter, Biodyvin ou autres – va plus loin. Elle impose non seulement le naturel (zéro intrant de synthèse), mais aussi l’utilisation de préparations issues du règne minéral, végétal… et animal, comme la fameuse bouse de corne. Si la biodynamie ne pèse encore « que » 2,5 % du vignoble français (source : Syndicat des vins biodynamiques 2023), son influence dépasse sa part de marché grâce à ses têtes d’affiche.

Vegan : le label qui secoue la cave

Un vin « vegan », au sens strict, est produit sans aucune substance d’origine animale, ni à la vigne, ni au chai. Cela concerne, surtout, la clarification : ici, pas de blanc d’œuf, de colle de poisson (ichtyocolle), de gélatine ou de caséine (protéine du lait), qui restent autorisés dans la majorité des cahiers des charges bio ou en biodynamie. Le vin vegan n’est cependant pas encadré par une réglementation européenne harmonisée, et dépend de labels privés comme « EVE Vegan », « Vegan Society », ou « Expertise Vegan Europe ».

On pourrait croire que bio ou biodynamie rime automatiquement avec véganisme. Erreur ! Pour bien comprendre les limites de cette équation, décortiquons ce qui est permis – ou non – à chaque stade :

Stade Bio Biodynamie Vegan
Culture Amendements organiques autorisés, souvent issus d’animaux (fumiers, guano, corne…) Usage quasi systématique d’intrants animaux (bouse de corne, crânes, corne de bélier…) Exclut tout amendement animal et tout intrant contenant des produits d’origine animale
Vinification Protéines animales (blancs d’œufs, lait, gélatine, colle de poisson) autorisées pour la clarification Idem bio (pas d’interdiction spécifique) Clarifiants uniquement végétaux ou minéraux (pois, pomme de terre, bentonite), filtration adaptée

On le voit : ni le bio, ni la biodynamie, n’excluent totalement l’utilisation de produits d’origine animale. Le label vegan, lui, va plus loin qu’aucune autre certification œnologique majeure.

Parlons vrai : la biodynamie est antinomique avec le véganisme dans sa version actuelle. La philosophie de Rudolf Steiner, fondateur de la méthode, place l’animal au cœur du système agricole. Impossible d’être certifié Demeter ou Biodyvin sans employer au moins une préparation animale (comme la bouse de corne « 500 » ou la silice de corne « 501 »).

  • La préparation « 500 » = bouse de vache maturée dans une corne de bovin, enterrée, puis pulvérisée sur les sols.
  • La préparation « 502 » à « 507 » impliquent divers organes (intestins, crânes de ruminants, vessies de cerf…).

Quelques domaines pionniers essaient de s’en passer : c’est le cas du domaine « La Ferme de l’Aubrée », en Anjou, qui pratique une agriculture biodynamique sans animaux… mais ne peut pas être labellisé Demeter. Autre exemple en Espagne avec « Pago Los Balancines », certifié vegan mais pas biodynamique.

Ce qui explique pourquoi aucun vin biodynamique n’arbore de label vegan officiel à ce jour : la certification impose des pratiques opposées à l’éthique végane.

Le bio, c’est autre chose. Si le règlement européen autorise – mais n’impose pas – des intrants animaux, rien n’empêche un vigneron bio d’opter, volontairement, pour une vinification végane. C’est le cas de plus en plus de domaines, en France comme à l’étranger.

Quelques chiffres à mettre sous le bouchon :

  • Près de 33 % des domaines bio européens (OrganicWinemarket.com) déclarent utiliser systématiquement ou occasionnellement des produits animaux en vinification (principalement pour la clarification).
  • Environ 7 % des producteurs bios français ont entrepris en 2023 une démarche de labellisation vegan officielle (Source : Union des œnologues de France).
  • En 2022, on recensait plus de 400 références françaises de vins vegan certifiés, dont la majorité issues de l’agriculture biologique (et quelques rares vins « conventionnels »).

À retenir : la cohabitation bio + vegan est possible, mais elle relève d’une initiative volontaire du vigneron, jamais d’une obligation réglementaire. Pour l’amateur, c’est l’étiquette « Vegan » qui compte. Le label AB garantit des raisins naturels, mais pas toujours l’absence d’animal dans la chai. Il faut donc rester vigilant et bien lire la contre-étiquette ou se renseigner directement.

L’étape fatidique côté vegan, c’est la clarification. Certains vins, naturellement troubles ou riches en particules, sont « collés » à l’aide de protéines pour accélérer la sédimentation et obtenir un vin limpide. Petit tour d’horizon :

  • La gélatine animale (protéine porcine ou bovine) : encore utilisée dans 20 % des vins rouges français selon l’IFV en 2021.
  • Blanc d’œuf : classique à Bordeaux, particulièrement pour la clarification des grands crus. 5 à 15 g/hl en moyenne.
  • Colle de poisson (ichtyocolle) : monnaie courante sur les blancs et effervescents.
  • Caséine (lait) : pour certains chardonnays bourguignons, touche soyeuse mais peu fréquente.

Or, des alternatives gagnent du terrain. En bio comme en vinification conventionnelle, il existe aujourd’hui :

  • Protéines de pois, de pomme de terre ou de blé
  • Bentonite (argile naturelle)
  • Charbon actif (végétal)

Selon « Wine Enthusiast » et la Majorité des Fédérations Vegan, la clarification 100 % végétale coûte entre 5 et 15 % plus cher mais ne modifie pas la qualité organoleptique. Pour info, 80 % des consommateurs ne parviennent pas à détecter la différence à l’aveugle entre un vin collé au pois et au blanc d’œuf (test IFV 2021).

Grande différence avec l’Espagne ou l’Allemagne : en France, la loi n’oblige pas à mentionner sur l’étiquette les clarifiants ou autres auxiliaires technologiques utilisés (sauf allergènes : œuf, lait). Résultat : la seule façon de savoir si votre vin bio est aussi vegan, c’est le label certifié… ou votre caviste préféré.

Pratique à retenir : de grands réseaux, comme Biocoop ou la chaîne Nicolas, privilégient les vins vegan depuis 2018 et incitent les producteurs à la transparence. Chez Nicolas, par exemple, la gamme vegan représente désormais plus de 12 % des listings bio, contre 2 % il y a cinq ans (source : Nicolas, rapport RSE 2023).

  • Les Vignerons de Carthagène (Languedoc) : gamme certifiée AB et EVE Vegan, pionniers depuis 2019.
  • Château Preignes le Vieux (Hérault) : certifié AB + Vegan Society.
  • La Maison Ventenac (Cabardès) : vignerons bio engagés, colles végétales uniquement.
  • Querciabella (Italie) : 100 % vegan, sans élevage animal, reconnu sur la scène internationale.

Pour trouver un vin qui coche toutes les cases « engagements » : scruter la double mention « Vegan » + « Bio » ou « Organic ». Et si la biodynamie vous séduit, sachez qu’il faudra encore patienter pour voir émerger des alternatives végé.

L’incroyable essor de la demande pour des vins vegan pousse, doucement mais sûrement, les acteurs du bio et de la biodynamie à repenser leurs pratiques. On voit naître des chantiers pilotes : l’ONG Vegan Society collabore avec certains syndicats viticoles pour tester des itinéraires agricoles sans amendement animal. En Espagne et en Allemagne, la certification « bio-vegan » (interdiction des fumiers et cornes) gagne du terrain. Au Royaume-Uni, Marks & Spencer aligne depuis 2020 plus de 600 références vegan-friendly.

Certaines filières expérimentent le compost 100 % végétal, ou encore le remplacement des préps « animales » par des alternatives minérales et végétales sans impact négatif sur l’écosystème. Côté labels, l’association française « Vins & Végétal » pousse pour la création d’un référentiel spécifique, qui pourrait voir le jour d’ici 2025.

  • Bio ou biodynamie ne veut pas forcément dire vegan – loin de là !
  • La biodynamie, dans ses standards actuels, reste incompatible avec la logique végane stricte.
  • Des centaines de domaines bios pratiquent la vinification vegan, mais seule une certification spécifique offre une vraie garantie.
  • Le mouvement vegan pousse les certifications à évoluer, et des pratiques pionnières émergent, surtout en Europe du Nord et du Sud.

Vin bio, biodynamique, vegan : la transparence est la clé. Amateurs éclairés, posez des questions, lisez les étiquettes, et surtout… n’hésitez pas à encourager les vignerons qui œuvrent pour des vins respectueux du vivant, qu’il soit animal ou végétal. La révolution végane du vin n’en est qu’à ses prémices – à chacun de pousser le bouchon un peu plus loin.