Quand Bio et Biodynamie se heurtent au véganisme dans le vin : compatibilités, limites et vrais choix

13 octobre 2025

Avouez, vous aussi avez déjà vécu ce moment gênant chez un caviste : entre « bio », « biodynamie » et « véganisme », comment choisir un vin à la fois respectueux de la planète, du vivant... et sans compromis côté éthique animale ? Trop souvent, on pense que bio rime forcément avec vegan, ou que la biodynamie est forcément l’alliée de notre conscience végane. Or, dans le monde du vin, c’est loin d’être aussi limpide qu’un blanc bien filtré ! Autant couper court à l’idée reçue : les certifications biologiques et biodynamiques ne garantissent pas un vin végan, et il y a plusieurs raisons à ça. Plongée dans un sujet où s'affrontent, parfois, bonne volonté et contradictions.

Bio : la base, mais pas la panacée pour les véganes

  • Certification AB (Agriculture Biologique): En France, le label AB encadre l'usage restreint des pesticides de synthèse et impose le respect des sols, de la biodiversité, et exige la traçabilité.
  • Certification européenne « Eurofeuille »: Cadre similaire, mais un peu plus lâche sur la liste des traitements et adjuvants.

Un chiffre qui douche l’enthousiasme : selon l’INAO, moins de 18% du vignoble français était certifié bio en 2023 (INAO). Et dans ces 18%, la pratique varie énormément d’un domaine à l’autre.

Le cahier des charges bio se penche sur la traçabilité, mais se montre étonnamment flou sur l’utilisation de produits d’origine animale au chai (œufs, gélatine, caséine, colle de poisson, etc). Officiellement, l’emploi de ces auxiliaires de vinification est autorisé, à condition qu’ils ne proviennent pas d’animaux OGM ou mal traités. Mais pour le véganisme strict, c’est niet.

Biodynamie : la vigne façon homéopathie ?

  • Demeter : label international de référence pour la biodynamie, avec 100% des raisins issus de l'agriculture biodynamique certifiée, mais l'utilisation de produits animaux reste bien présente (bouse, corne, lait...).
  • Biodyvin : exclusivement dédié à la viticulture, il proscrit certains produits chimiques mais suit une approche assez similaire à Demeter sur le plan animalier.

La biodynamie, inventée par Rudolf Steiner dans les années 1920, mise sur l’utilisation de préparations « dynamisées » telles que la fameuse préparation 500 (bouse de vache dans une corne enterrée tout l’hiver) ou le compost de bouse et de plantes. Ces pratiques, dictées par le rythme lunaire, intègrent massivement la matière animale… et là, c’est carton rouge pour un vin 100 % végan.

La clarification : le vrai nœud du problème

Si la vigne bio (et parfois biodynamique) peut parfaitement vivre sans produits chimiques, il en va autrement en cave… où c'est le règne discret, mais réel, de l’animal. Le coupable ? Le collage, cette opération qui clarifie le vin en précipitant les particules en suspension. On retrouve principalement :

  • Blancs d’œuf (pour les rouges jeunes et puissants)
  • Gélatine animale
  • Colle de poisson (ichtyocolle, très utilisée sur les blancs et les rosés)
  • Caséine de lait

Même dans les vins « nature » ou certifiés bio, ces pratiques perdurent, faute d’obligation légale de le déclarer sur l’étiquette (sauf allergènes comme œuf ou lait depuis 2012, réglement européen 1169/2011).

Le label végan : le seul vrai sésame fiable, mais encore trop rare

Face à ce flou artistique, quelques organismes comme Vegan Society ou Vegan Certifié crantent la différence : pas de protéines ni auxiliaires d'origine animale à aucun stade. Pourtant, en 2023, seuls environ 1,5% des vins présents sur le marché français affichaient une certification végane claire, selon VegOresto (VegOresto). Une gorgée d’amertume dans un océan de vins étiquetés « bio » mais pas pour autant véganes.

  • Tradition et efficacité : Le blanc d’œuf et la gélatine raffinent le vin rapidement, avec un faible coût et peu de risque d’altérer les arômes.
  • Héritage culturel : Le monde viticole, ancré dans ses méthodes ancestrales, résiste parfois à la remise en question de « recettes » séculaires.
  • Biodynamie et vision holistique : Impossible d’imaginer une pratique biodynamique sans animaux : ils font partie intégrante du cycle de la ferme (préparations animales, composts enrichis, pâturages intégrés).
  • L’absence de contrainte légale : Les labels se concentrent sur l’impact environnemental et la sécurité alimentaire, rarement sur l’éthique animale.

Un exemple marquant : pour obtenir la mention « Demeter », il faut presque systématiquement avoir des animaux sur la propriété, produire du fumier, utiliser la corne de vache pour les préparations… autant d’aspects indissociables de la certification. Selon Demeter International, moins de 3% des domaines certifiés dans le monde pourraient être considérés comme « compatibles végans » si l’on éliminait tout recours animal, un chiffre qui explique la rareté.

S’il existe des pionniers (notamment en Europe du nord ou sur la scène "vin nature"), la tâche s’avère titanesque. Plusieurs vignerons s’y essaient pourtant, en adoptant des alternatives :

  • Utilisation de pois ou de bentonite (argile naturelle) pour le collage
  • Aucune clarification supplémentaire (pour les vrais puristes)
  • Abolition totale de la préparation 500 en biodynamie : très rare, la plupart des labels refuseront la mention

Les domaines qui poussent la logique jusqu’au bout doivent renoncer aux labels Demeter et Biodyvin, ou, au mieux, « tricher » (laisser faire la nature sans préparation officielle, ce qui limite l’accès aux certifications). Cela crée un cercle vicieux : vouloir être doublement vertueux, c’est risquer l’absence totale de reconnaissance officielle. Voilà pourquoi vous ne croiserez presque jamais, en rayon, de vin affichant à la fois « biodynamique », « végan » et « certifié » tous azimuts.

  1. Repérer les labels véganes : Chercher le logo Vegan Society, EVE Vegan, ou Vegan Certifié. C'est LE critère.
  2. Privilégier les vins non collés ou collés à la bentonite : À défaut de label, demander au vigneron ou au caviste comment le vin est clarifié. Certains nature ou sans sulfites ajoutés ne sont jamais collés.
  3. Miser sur la transparence : Domaines jeunes, vignerons "nouvelle vague" et certaines coopératives affichent de plus en plus la mention « sans intrants animaux ».
  4. Éviter les labels uniquement bio/biodynamiques en cherchant la mention spécifique : À eux seuls ils ne suffisent pas, mais couplés à « vegan » (rare), on a le meilleur des deux mondes.

Quelques domaines précurseurs à suivre : Château La Rayre (Bergerac), Lunaria en Italie (avec certification « Vegan OK »), ou encore les vins espagnols Bodegas Iranzo. Ils montrent qu’une convergence réelle, aussi marginale soit-elle, est techniquement possible.

  • L’évolution des attentes : Selon une enquête Xerfi de 2023, 27% des consommateurs soucieux d’éthique animale sont désormais prêts à payer plus cher pour un vin certifié végan.
  • Pression de la grande distribution : Carrefour, E. Leclerc ou Marks & Spencer ont lancé leurs propres gammes de vins véganes, souvent bio, le tout pour répondre à une demande grandissante, notamment des jeunes générations urbaines (étude Kantar, 2023).
  • Législation européenne à l’horizon : Plusieurs groupes de travail poussent pour une mention obligatoire des traitements d’origine animale sur l’étiquette dès 2026 (« EU Farm to Fork », source European Commission).

Cette lame de fond pourrait forcer bio et biodynamie à se mettre à la page, sous peine d’être délaissés par une partie de leur public.

La quête du vin parfait touche ici ses limites : plus on multiplie les exigences—biodiversité, santé, éthique animale, respect des traditions, naturel—plus il faut composer avec de micro-compromis. Qui, aujourd’hui, veut un vin et bio et biodynamique et végan devra souvent arbitrer, faute d’offre pléthorique. Mais chaque bouteille défendant ces valeurs, même partiellement, contribue à faire bouger les lignes d’une viticulture longtemps restée opaque.

Histoire de relativiser : dans le tourbillon des certifications, l’essentiel reste la capacité à s’informer, à pousser la porte des vignerons et à préférer la transparence à l’illusion d’un label universel. Oui, le vin éthique existe, et il est même souvent délicieux… pourvu que l’on sache où (et comment) chercher !