Château Virac : une référence du Bordelais sur la voie du vin 100 % végan ?

29 juin 2025

Pas besoin de présenter longuement Château Virac aux amateurs de Bordeaux : parmi les propriétés qui jonglent avec tradition et ambition, Virac se distingue depuis la fin des années 1990 par une montée en gamme et une optique de respect environnemental plutôt affirmée. Le château, situé aux confins de l’Entre-Deux-Mers, bénéficie d’un terroir argilo-calcaire réputé pour sa polyvalence — même si, reconnaissons-le, pendant longtemps, la biodiversité et l’éthique n’ont pas toujours été une priorité dans cette région où la rentabilité régnait en maître.

Mais qu’en est-il vraiment de leur démarche végan ? Beaucoup d’amateurs se posent la question : leur nouvelle orientation « nature » ou « bio » va-t-elle de pair avec l’élimination totale d’intrants animaux ? Entrons dans le laboratoire Virac pour démêler ce vrai-faux débat, preuves à l’appui.

Un rapide détour par les bases s’impose. Pour qu’un vin soit considéré comme végan, il doit être élaboré sans aucun recours à des ingrédients ou produits d’origine animale — typiquement lors du collage, l’étape de clarification où, historiquement, l’albumine d’œuf, la caséine, la gélatine (issue de porc ou de poisson) ou la colle de poissons servaient à rendre le vin limpide. Dans l’Hexagone, on estime que moins de 3 % des domaines osent se revendiquer 100 % végan sur tout ou partie de leur gamme (VegOresto).

Deux options aujourd'hui pour le viticulteur motivé :

  • Éliminer l’usage de produits animaux et privilégier les alternatives (protéines de pois, bentonite, charbon végétal, etc.)
  • Faire certifier sa démarche par des organismes indépendants, en Europe principalement Vegan Society ou EVE Vegan.
Alors où se situe Château Virac sur cette carte ?

Focus sur leur viticulture : bio mais pas (encore ?) végan

Château Virac s’est fait remarquer en rejoignant la mouvance bio : conversion officielle entamée en 2019, obtention du label AB (Agriculture Biologique) en 2022. À ce sujet, 100 % de la surface de 25 hectares est aujourd’hui cultivée sans pesticide de synthèse, fongicide ou engrais chimique (Vigneron Indépendant).

Mais attention : bio n’est pas synonyme de végan. L’Agriculture Biologique française autorise très bien jusque 2024 le recours aux colles animales dans les vinifications ! Or, d’après l’interview de l’œnologue maison (Sud Ouest, avril 2023), la propriété admet avoir « limité au maximum » l’apport d’albumine ou de caséine sur ses rouges et ses blancs depuis 2021, mais ne s’interdit pas « exceptionnellement » ces intrants les années délicates.

  • 2020 : collage principalement à la bentonite (argile minérale)
  • 2021 : « parenthèses animales » reconnues pour deux cuvées face à des remontées de troubles
  • 2022 : volonté affichée de recourir uniquement à des protéines végétales (pois, pomme de terre ou blé)

Rien d’absolu donc, mais un virage net observé, dicté aussi par les pressions du marché export (particulièrement Europe du Nord et Canada où la mention végan séduit).

Et la certification végan dans tout ça ?

Aujourd’hui — et contrairement à d’autres châteaux bordelais comme Le Frêche ou le Château Damas (Labellisés EVE Vegan depuis 2021) — Virac ne s’est pas lancé à l’assaut de la certification végan officielle. Pas de mention spécifique sur les contre-étiquettes, rien non plus sur leur site Internet à juin 2024.

Contacté par email (échange avec la responsable qualité, mai 2024), le domaine évoque « la complexité administrative » et l’« arbitraire de certains cahiers des charges non harmonisés à l’international ». Bref, Virac avance à sa façon : tentant de garantir la pureté de ses vins, mais sans auditeur externe pour valider à 100 %.

Au-delà de Virac, la question se pose de plus en plus : pourquoi ce retard sur le segment du vin végan en Bordelais, alors qu’il a le vent en poupe en Espagne, en Allemagne ou même en Provence ?

  • 1. L’absence d’obligation d’étiquetage : Jusqu’à 2021, aucun règlement ne forçait à détailler la liste complète des auxiliaires de vinification — y compris le collage animal ! En clair, le consommateur lambda reste dans le flou.
  • 2. Le conservatisme viticole local : Beaucoup de vignerons craignent un « choc organoleptique », estimant que l’abandon complet du blanc d’œuf ou de la colle de poisson peut nuire à la typicité de leur vin (source : La Revue du Vin de France).
  • 3. Un coût et une logistique supplémentaire : S’engager sur un vin végan implique une traçabilité exhaustive et parfois une double chaîne de production pour éviter toute contamination croisée.

Pour Bordeaux comme Virac, le marché commence toutefois à peser : selon Wine Intelligence (2022), 24 % des consommateurs de vin de moins de 35 ans déclarent prêter attention au caractère végan, et ce chiffre monte à 37 % sur les marchés nordiques (Suède, Danemark, Finlande).

Derrière la certification se cache un vrai défi technique. Si le collage végétal offre un excellent résultat sur la plupart des blancs, certains profils rouges puissants (notamment sur le merlot charnu, dominant à Virac) nécessitent une adaptation. Les essais réalisés à partir de 2022 sur l’ensemble de la production Virac montrent :

Cuvée Année Agents de collage Résultat en dégustation
Cuvée Tradition 2022 Bentonite & protéine de pois Bonne limpidité, fruit légèrement plus vif selon certains dégustateurs
Cuvée Grand Vin 2021 Albumine d’œuf (partielle) Nez classique, finale plus ronde, aucune « déviance »
Cuvée "Liberté" 2023 Charbon végétal & protéines de pomme de terre Filtration impeccable, retour du terroir plus saillant

Preuve que, même en pleine mutation, le domaine navigue entre adaptation technique, attente qualitative et incitation commerciale.

Aujourd’hui, la tendance est claire : le public ne veut plus seulement du vin bio, mais un vin bon pour la planète ET aligné avec ses valeurs. Sur le salon Millésime Bio 2024, 18 % des professionnels sondés affirmaient avoir intégré une gamme végane, une proportion qui grimpe chaque année (Salon Millésime Bio). Virac, sans faire de tapage, enchaîne les tests, à défaut d’affirmer publiquement un engagement ferme.

  • Sur leur site, aucun logo végan ; sur leur communication pro néanmoins, la mention « collages sans protéines animales » commence à apparaître sur certains marchés étrangers.
  • L’équipe annonce viser un abandon total de tout intrant animal en 2025, si les essais techniques sont probants et si les organismes certificateurs valident leur process sans rupture de style.

Ce positionnement intermédiaire n'est pas unique : il reflète un secteur en pleine reconfiguration, à la croisée des chemins entre tradition et mutation vers un vin plus éthique.

Secteur en mouvement, marché en effervescence, exigences changeantes côté certification… Virac illustre parfaitement la position d’une propriété bordelaise en transition, experte sur le bio, volontariste sur le végétal mais pas encore parfaitement alignée avec la démarche végan à 100%. Pour le moment, leurs vins peuvent convenir à de nombreux amateurs cherchant à éviter les intrants animaux, mais la prudence reste de mise : seules les cuvées 2022-2023 revendiquent une vinification sans recours animal systématique, hors accidents de clarification.

L’arrivée programmée de la nouvelle gamme 2025, prévue pour le printemps prochain, pourrait changer la donne. L’équipe technique promet d’aller jusqu’au bout du processus, certification « EVE Vegan » en ligne de mire, et quelques expérimentations sur les futures levures sélectionnées garanties non animalières dans les ferments.

Bref, Château Virac n’a pas encore l’étiquette végan officielle, mais s’en rapproche à grands pas. Pour les puristes absolus du véganisme, mieux vaut patienter jusqu’aux prochaines mises ou se tourner vers des domaines déjà certifiés (demandez toujours un certificat !). Pour tous les autres, la gamme Virac récente reste l’une des plus intéressantes parmi les châteaux bordelais ayant pris le virage éthique.

Restez aux aguets : la question n’est plus de savoir si, mais quand le Bordeaux « vegan friendly » s’affichera fièrement sur les meilleures tables… Virac, affaire à suivre de très près.