Bourgogne : quels domaines s’engagent vraiment pour des vins certifiés végans ?

14 juin 2025

On adore l’image du vigneron bourguignon passionné, vendangeant à la main, respectant la vigne… Mais beaucoup ignorent qu’une étape cruciale de la vinification traditionnelle implique des ingrédients d’origine animale. Le "collage", dernière étape avant la mise en bouteille, vise à clarifier le vin en éliminant les particules en suspension. Surprise :

  • Blanc d’œuf (albumine)
  • Gélatine (protéine animale, notamment porcine ou bovine)
  • Colle de poisson (ichtyocolle)
  • Caséine (protéine du lait)
sont souvent utilisés comme agents de collage. Résultat : le vin n’est pas "végane" même s’il est bio, en biodynamie ou en nature. Exactement comme un joli pain au levain peut cacher du beurre…

Pas de mystère : sans logo, méfiance. Si la réglementation européenne encadre la vinification, elle ne protège absolument pas l’appellation "vin végane". Les seuls garde-fous sont les labels indépendants :

  • V-Label : le logo européen le plus répandu en boutique bio, garantissant l'absence d’ingrédient animal dans le vin ET dans tout le process d’élaboration (même les colles et adhésifs d’étiquettes sont analysés !).
  • Vegan Society et Certified Vegan : labels anglo-saxons, parfois présents sur certaines cuvées d’export, plus rares en Bourgogne.

Attention, ce n’est pas parce qu’un vin n’est pas "certifié" qu’il n’est pas végane. Mais seul le label fournit une garantie officielle… et simplifie la vie des consommateurs exigeants.

Si la région est mondialement célèbre pour ses climats et ses crus, force est de constater que la Bourgogne n’est pas la championne des vins végans certifiés. Le nombre de domaines engagés, tous labels confondus, reste encore marginal : on parle d’une dizaine de domaines affichant officiellement la mention, contre plus de 350 exploitations certifiées bio, et plus de 4000 exploitants au total (source : BIVB).

Mais les lignes bougent : la demande progresse notamment auprès des jeunes consommateurs et des marchés à l’export (Royaume-Uni, Allemagne, Scandinavie) où le label végan rassure autant qu’il séduit.

Aux côtés des cadors historiques, quelques vignerons osent l’aventure du vin sans intrant animal. Tour d’horizon, région par région :

Domaine Appellation Label végan Particularités/infos complémentaires
Domaine Pierre Goiset Montagny (Côte Chalonnaise) V-Label Pionnier, première certification V-Label en Bourgogne (2019)
Domaine des Ronces Bourgogne Côte Chalonnaise V-Label Bio, orientation nature, cuvées "Vegan" identifiées sur étiquette
Domaine de la Luolle Mercurey, Coteaux Bourguignons V-Label En biodynamie, vins natures et démarche globale respectueuse
Château Philippe le Hardi Santenay, Mercurey, Givry, Rully… V-Label Domaine de taille importante, vins de négoce et de propriété
Domaine de la Croix Senaillet Saint-Véran, Mâcon Vegan Society Très actif à l’export, certifications multiples
Domaine Patte Loup Chablis Sans label végan mais collage au bentonite (argile minérale) Nature, pas de produits animaux, mais non "certifié"

Cette liste n'est pas exhaustive — la situation évolue sans cesse, de façon quasi confidentielle, beaucoup de vignerons attendant une demande du marché pour officialiser leur démarche. Les caves bio, cavistes spécialisés et plateformes engagées (ex : La Vergne, Biocoop) peuvent toutefois orienter vers des références récentes.

Ce qui amène certains Bourguignons à afficher fièrement le logo végan relève souvent du cumul de plusieurs facteurs :

  • Éthique personnelle : volonté d’exclure toute souffrance animale de la chaîne de fabrication.
  • Revendication environnementale : moins de produits chimiques et d’additifs signifie souvent moins d’impact environnemental global.
  • Opportunité commerciale : le segment "vegan" a progressé de 25% sur les dernières années en Europe, selon l’Observatoire européen du véganisme (source : Vegan Society), notamment sur les marchés jeunes urbains.

Un label végan peut donc devenir un vrai facteur de différenciation dans une région où les pratiques ont longtemps semblé figées.

Quelques astuces pratiques pour ne pas se faire avoir :

  • Regarder l’étiquette : présence de la mention “végan” ou du logo V-Label/Vegan Society. Mais attention, ce n’est pas la norme (encore !).
  • Se fier aux certifications bio/biodynamiques… avec réserve : elles n’excluent PAS d’office l’usage de produits animaux (ex : albumine autorisée en bio !).
  • Interroger le vigneron ou le caviste : de nombreux producteurs pratiquent le collage à la bentonite (argile naturelle), voire pas de collage du tout (pratique très courante dans le vin nature).
  • Vérifier les fiches techniques sur le site du domaine : certains jouent la transparence totale.
  • Utiliser des ressources spécialisées : les plateformes comme Barnivore référencent des milliers de vins, notamment pour la filière végane (mais attention, l’exhaustivité n’est jamais parfaite).

Point technique mais qui change tout : le collage n’est même plus systématique pour de nombreux vignerons indépendants, en particulier ceux qui travaillent en bio, en biodynamie ou nature. Pourquoi ? Parce qu’ils revendiquent une authenticité du fruit et préfèrent laisser le vin s’affiner naturellement. Les agents alternatifs d’origine minérale ou végétale (bentonite, protéines de pois ou de pomme de terre) remplacent de plus en plus les colles animales dans les caves modernes.

À titre d’anecdote, le château Philippe le Hardi a communiqué dès 2021 en expliquant n’utiliser depuis 2018 qu’un agent de clarification végétal à base de pois, tous vins confondus, y compris pour leurs vins en grande distribution ! (source)

Impossible d’évoquer la Bourgogne sans parler de Chablis. Ici, beaucoup de producteurs — pas tous ! — n’utilisent plus de colle animale, préférant la bentonite (très efficace sur les vins blancs) ou aucun collage du tout pour les cuvées haut de gamme. Même si la mention "végan" n’est pas affichée, les pratiques avancent beaucoup plus vite qu’on ne l’imagine. À Chablis, la moitié des caves interrogées en 2022 par Terre de Vins avaient adopté le collage végétal ou minéral. Reste à formaliser cette démarche par un logo pour rassurer le consommateur…

  • Force de l’habitude : Les méthodes traditionnelles sont très ancrées et le passage au label implique un changement d’organisation et/ou un coût supplémentaire (audit, certification, communication…)
  • Demande encore timide sur le marché français : Le vin "éthique" reste une niche, même si la courbe explose à l’export. Ce sont souvent les marchés étrangers qui stimulent la transition.
  • Peur de l’amalgame : Pour certains vignerons, afficher "végan" pourrait brouiller la tradition, voire faire fuir les amateurs traditionnels (peu enclins à revisiter le folklore bourguignon…)
  • Frein logistique : Les démarches de labellisation sont lourdes pour les petites exploitations qui privilégient déjà la bio ou la biodynamie.
  • Sites spécialisés bio/éthiques : La Vergne, Biodevin, Barnivore.com
  • Cavistes engagés : Caves locales bio, magasins Biocoop/Réseau Vrac, ou toute maison affichant une spécialité vegan-friendly.
  • Domaines bourguignons pionniers (voir tableau ci-dessus) qui communiquent leurs pratiques sur leur site ou via les réseaux sociaux.
  • Salons de vins naturels, bio et alternatifs : Nombreux vignerons présentent aujourd’hui leurs cuvées végans lors de salons tels que ViniBio ou Sous les pavés la vigne.

Le mouvement est lancé, même si la Bourgogne campe encore sur ses traditions. Mais la nouvelle génération de vignerons, hyper connectée, n’hésite plus à revendiquer sa transparence pour séduire des consommateurs toujours plus soucieux de leur impact alimentaire. Preuve s’il en fallait : de plus en plus de caves bio et biodynamiques testent les agents de collage végétaux, inventent de nouvelles collaborations et communiquent fièrement sur la pureté de leurs vins. Impossible de savoir si, demain, un Clos Vougeot ou un Montrachet historique affichera le label végan sur une cuvée prestige. Ce qui est certain : la révolution végane, amorcée par une poignée de pionniers, a déjà trouvé matière à s’exprimer sur les terroirs mythiques de Bourgogne. Si l’envie de goûter à la Bourgogne autrement vous titille, vous savez désormais où chercher… et, surtout, quelles questions poser aux cavistes et vignerons. Santé respectueuse, et bonne dégustation sans compromis !