Vin bio, biodynamique et végan : liaisons dangereuses ou trio harmonieux ?

25 octobre 2025

Chercheur de sens dans ton verre, tu t’es sûrement déjà dit : "Un vin bio ou biodynamique, ça n’utilise pas d'animaux, non ?”. Sur le papier, l’idée a du charme. Mais la vérité, c’est que ces labels, aussi verts affichent-ils, n’ont pas forcément un mode de production compatible avec un mode de vie végan. Détail à la loupe des dessous des certifications et de leurs véritables critères.

Un vin végan, c’est tout simplement un vin sans aucun intrant d'origine animale, que ce soit dans le travail de la vigne comme à la cave. Cela inclut les agents de collage (souvent issus du blanc d’œuf, de la gélatine, ou de la caséine), mais aussi tout type d'amendements du sol ou traitements tirés des animaux (fumier, crottin, corne, sang séché, etc.). Point bluff : selon une enquête Veganuary (2023), seulement 4 % des consommateurs savent que la majorité des vins peuvent contenir ou utiliser des dérivés animaux lors de leur élaboration.

Le bio en France et en Europe : les bases

Depuis 2012 (et la réforme du cahier des charges européen), le vin bio affiche :

  • Interdiction des pesticides de synthèse,
  • Intrants limités en cave,
  • Sulfites plafonnés,
  • Respect global de la biodiversité.

Des chiffres ? Le bio, c’est 13,45 % du vignoble français (source : Agence Bio, 2023), avec une progression régulière depuis quinze ans.

Mais que dit le label sur l’animal ?

Autant être franc : rien ou presque ! Il n’est pas interdit d’utiliser des agents de collage animaux au chai. Dans les vignes, les fertilisations organiques (fumier, purin, etc.) sont non seulement tolérées mais souvent encouragées, pour nourrir le sol et réactiver la vie microbienne. Résultat : un vin peut être 100 % bio, cocher toutes les cases de la réglementation… et ne pas être végan pour autant.

Du côté de la réglementation européenne (Règlement CE n°203/2012), aucun mot sur la provenance des produits animaux utilisés (y compris colle, colle de poisson, lait ou œuf dans certains procédés). Même topo sur la certification française. Le logo AB ne garantit donc pas un vin végan.

Le calendrier lunaire, et après ?

La biodynamie va plus loin que le bio, avec une philosophie : favoriser la vitalité des sols, la communion des énergies, et connecte les cycles de la vigne aux rythmes de la nature. Les deux labels phares, Demeter et Biodyvin, totalisent près de 1 400 domaines dans le monde (source : Demeter). En France, près de 12 000 hectares étaient certifiés en 2022.

La grande contradiction végane…

Créée par Rudolf Steiner dans les années 1920, la biodynamie fait la part belle aux préparations animales, aussi poétiques que dérangeantes pour un public végan :

  • 500 : Décoction de bouse de vache fermentée dans une corne.
  • 501 : Silice de corne (poudre de quartz diluée dans une corne de vache).
  • 502 à 507 : Diverses préparations à base de fleurs macérées dans des organes animaux (intestins, vessies, etc.).

D’ailleurs, près de 90 % des domaines en biodynamie utilisent la 500 chaque année (Demeter International, 2022). La présence animale y est donc structurelle, intégrée à la pratique viticole.

En cave : entre tradition animale et alternatives

Point technique : la biodynamie, sur la partie chai, suit aussi le règlement bio (UE) et tolère – dans la plupart des cas – les mêmes agents de collage et d’affinage d’origine animale.

Paradoxalement, certains producteurs en biodynamie utilisent des alternatives véganes (bentonite, pois, pomme de terre) par conviction personnelle ou par respect des demandes consommateurs, mais rien ne l’impose.

Les consommateurs (et parfois même les pros !) amalgament souvent bio, biodynamie et véganisme. Pourtant, leurs objectifs et exigences diffèrent :

  • Bio : santé du sol, limitation des pesticides, préservation de la faune/flore.
  • Biodynamie : interconnexion entre animaux, sols, végétaux avec complémentarité des êtres vivants.
  • Véganisme : refus de toute exploitation ou utilisation animale.

Autre source de confusion : aucune mention légale ou visuelle systématique des pratiques animales sur les étiquettes. En France, hormis la déclaration d’allergènes (comme la présence d’œuf ou de lait), rien n’oblige un producteur à déclarer ces usages. D’où une défiance possible, mais aussi une invisibilisation.

D’après un rapport Wine Intelligence 2022, 64 % des consommateurs français considèrent que le bio est “mieux” pour le bien-être animal. Cette conviction, malheureusement, ne résiste pas à l’examen des pratiques.

Place à la nuance ! La majorité des vins bio ne sont pas véganes – même chose pour la biodynamie. Et pourtant, quelques productions jouent l’équilibriste, à la croisée des chemins.

  • Sols enrichis sans fumier : composts végétaux, engrais verts, rotation des cultures (légumineuses, moutardes, etc.).
  • Collage minéral ou végétal au chai : bentonite, protéines de pois, charbon actif.
  • Communication volontaire avec mention “vegan” (associée à un logo tiers fiable : V-Label, Vegan Society, etc.).
  • Refus des cornes, bouses et préparations animales pour les rares domaines en biodynamie strictement végane, parfois (très) minoritaires et parfois non certifiés Demeter, la certification officielle exigeant ces “préparations” animales.

Le chiffre bonus : Selon la Vegan Society, moins de 0,2 % des vins mondiaux sont à la fois bio et certifiés véganes.

Soyons honnêtes : un vin labellisé Demeter ne peut pas être strictement végan. Mais certains domaines bio, voire en biodynamie partielle non certifiée, essaient d’innover : c’est le cas de quelques producteurs en Val de Loire, en Languedoc ou en Italie (comme Querciabella, pionnier du “vegan organic wine” depuis 1988).

Depuis dix ans, des certifications spécifiques sont apparues, enfin lisibles pour le consommateur :

  1. Vegan Society (Royaume-Uni) : logo “sunflower” visible sur les étiquettes, démarche contrôlée, publiquement accessible.
  2. V-Label (Suisse) : audite l’ensemble du processus.
  3. EVE Vegan (France) : scrute chaque ingrédient et auxiliaire technologique utilisé.

Ce sont les seules garanties sérieuses de traçabilité et transparence, même si les vins labellisés restent (très) minoritaires : moins de 1 % du vin vendu en France est ainsi certifié en 2024 (LSA Conso).

De plus en plus de consommateurs rêvent d’une étiquette “bio, végan, local et transparent”. Si, pour l’instant, un tel label n’existe pas dans le vin, des initiatives émergent :

  • La tendance Clean Label : mieux informer sur toutes les pratiques (origine des engrais, traitements, agents de collage, etc.).
  • Des démarches volontaires de vignerons : certains détaillent spontanément leurs procédés, sur leurs sites ou fiches techniques (ex : Château Barbanau à Cassis, Clos Roca Rey en Espagne, etc.).
  • Des attentes fortes du grand public : selon une étude IWSR 2023, 38 % des consommateurs européens souhaitent plus d’informations sur les ingrédients du vin.

Sur le terrain, les vignerons bio qui tendent vers le véganisme témoignent d’un parcours technique complexe, mais réalisable côté cave. Dans les vignes, le défi est plus musclé : certains substituent l’apport animal par des couverts végétaux, d’autres développent des composts 100 % végétaux, mais doivent jongler avec la fertilité, la pression des maladies et la règlementation européenne.

Au final, bio, biodynamie, véganisme : ces voies n’avancent pas main dans la main, mais il existe bien quelques vins qui cochent toutes les cases, même si ce sont des pépites (rares). Pour déguster un vin éthique qui respecte aussi les principes du véganisme, le choix des labels spécialisés reste la référence, en complément (ou non) des certifications classiques. Une interrogation demeure ouverte : et si demain, la certification “vegan + bio” devenait la nouvelle norme à viser ? L’avenir nous le dira… En attendant, l’étiquette (et le dialogue avec les vignerons) sont nos meilleurs alliés pour trinquer vraiment aligné avec nos convictions.