Vin végane et terroir français : diversité, engagement et révélations sous le bouchon

25 septembre 2025

Vous aimez les vins qui racontent une histoire, reflet de leur sol, de leur climat, de la main du vigneron ? Bonne nouvelle : la cause végane ne pointera pas de doigt accusateur sur votre verre, à condition de savoir où chercher. Arrêtons tout de suite l’idée que le vin végane serait un gadget, ou qu’il sacrifierait la finesse sur l’autel du politiquement correct. C’est tout l’inverse : il peut s’agir de vins authentiques, singuliers, parfois même plus respectueux du terroir que certains breuvages « traditionnels ».

En France, plus de 95 % des vins dits « conventionnels » font appel à des intrants d’origine animale : blanc d’œuf, gélatine, colle de poisson ou caséine pour le collage – la clarification. (L214) Ce sont des traces infimes, certes, mais pour qui se soucie d’éthique, cela change tout. Seuls 5 à 7 % des vins produits en France étaient estampillés « véganes » en 2023, selon l’association Vegan France.

On comprend alors l’importance de la démarche : choisir un vin végane, ce n’est pas « filtrer » la tradition, c’est plutôt questionner d’antiques automatismes.

Entrons dans le vif du sujet : le terroir. On l’adore, on lui prête mille vertus, on l’érige comme totem de l’excellence française. Mais un vin végane, c’est quoi au fait ?

  • Un vin dont toutes les étapes (vignes et cave comprises) se passent d’intrants d’origine animale
  • Il peut être bio, naturel ou conventionnel, mais toute certification végane impose ce contrôle jusque dans la colle des étiquettes !

Est-ce que la qualité du vin est en jeu ? Absolument pas. De nombreux vignerons optent pour des alternatives minérales (bentonite) ou végétales (protéines de pois ou de pomme de terre) pour clarifier leurs cuves, sans toucher à l’expression du sol ou à la magie du millésime.

Cerise sur le gâteau : le recours à des techniques alternatives favorise souvent des pratiques globalement plus soucieuses de la biodiversité (hors usage de produits phytosanitaires, naturellement).

Des preuves : quand le terroir rime avec éthique

  • Au Domaine de la Cabotte (Rasteau), la clarification végane est pratiquée sur tous les vins, rouges comme blancs, sans risque de goût terreux ou de texture pâteuse. Leur cuvée « Colline » a ainsi été sélectionnée en 2022 dans la Revue du Vin de France.
  • La cave Biodyvin, qui regroupe des vignerons biodynamiques, indique qu’environ 30 % de ses membres utilisent déjà des alternatives véganes – et sont régulièrement décorés de distinctions internationales (Decanter, Bettane+Desseauve...).

Et si la nature du collage (ou son absence) était aujourd’hui une affaire de précision plus que d’idéologie ?

Les concours de dégustations à l’aveugle sont formels. Impossible de distinguer systématiquement un vin végane d’un vin non-végane selon l’aveu même de plusieurs jurés (La Revue du Vin de France, 2023). Personne n’a encore pu identifier ni perte de complexité, ni omniprésence de défauts aromatiques liés à l’utilisation de la bentonite ou d’alternatives végétales.

Un exemple marquant : lors du Grand Prix du Vin de la Région Occitanie 2022, un Chardonnay bio et végane du Domaine de l’Arbuselle fut classé 3ᵉ toutes catégories confondues, devant des cuvées conventionnelles. La « neutralité aromatique » du collage végane est prouvée par de nombreuses études (notamment celles de l’IFV – Institut Français de la Vigne et du Vin).

  • La bentonite, l’agent le plus utilisé, n’est autre qu’une argile naturelle connue pour sa capacité à retenir les particules en suspension, sans influencer les esters aromatiques.
  • Les protéines végétales comme celles du pois, utilisées par des maisons comme Château Les Reignac en Bordeaux, offrent de très bons résultats sur la limpidité et la stabilité des grandes cuvées.

Le sempiternel refrain sur la « perte de diversité » s’effrite vite devant la réalité des caves. La plupart des régions viticoles françaises comptent désormais des vignerons véganes : Sancerre, Cognac, Provence, mais aussi Foillard dans le Beaujolais, côtes de Bourgogne chez Clos du Moulin aux Moines, ou encore des grands noms nature du Jura et de la Loire.

En 2017, il existait en France moins de 30 domaines affichant le label végane. En 2023, selon Vegan France, on en recense plus de 350, couvrant plus de 30 départements et une vingtaine d’appellations majeures. Cette progression exponentielle témoigne d’un mouvement de fond, pas d’un phénomène de niche.

  • Les Côtes-du-Rhône voient fleurir des cuvées véganes dans une dizaine de coopératives (dont Cellier des Dauphins, leader sur le marché français avec plus de 1,5 million de bouteilles annoncées en 2024).
  • Plus surprenant : les maisons familiales d’Aloxe-Corton (Bourgogne) et du Jurançon proposent des vins non collés ou clarifiés sans produit animal, dans le respect des AOC.

La certification végane existe, même si elle n’est pas obligatoire. Les principaux labels visibles en France sont « EVE VEGAN », « Vegan Society », ou encore « European Vegetarian Union ». Ils imposent un audit global, qui va du produit fini aux fournisseurs (colle, cire des bouchons, encre des étiquettes). (EVE Vegan)

  • Un label végane assure la traçabilité sur chaque lot ; c’est donc un outil de transparence précieux pour les amateurs exigeants.
  • Rien n’empêche cependant un vigneron d’appliquer les standards véganes sans chercher le label – n’hésitez pas à interroger directement le domaine !

L’émergence de la question végane a d’ailleurs entraîné un regain de précision de la part de l’ensemble de la filière sur la liste des intrants, avec une tendance à la « naturalité » au sens large.

Choisir un vin végane, c’est aussi – souvent – choisir un impact environnemental moindre. Pourquoi ?

  • 80 % des agents de collage d’origine animale sont importés, notamment la colle de poisson (issus de stocks souvent surpêchés – Source : WWF France).
  • Les alternatives végétales et minérales sont moins gourmandes en énergie : leur production et transport génèrent un bilan carbone inférieur de 20 à 30 % (étude Terrachoice, 2020).
  • De nombreux vignerons véganes sont engagés dans des démarches écologiques plus larges : permaculture, reforestation, zéro pesticide.

Certains affirment que la clarification sans produit animal donnerait des vins plus troubles, moins brillants ou moins stables. Or, la majorité des cuvées véganes médaille d’or (Concours International Gilbert & Gaillard 2023) affichent des limpidités exemplaires et un vieillissement honorable.

La tendance est aussi de laisser davantage s’exprimer le potentiel aromatique du raisin et du sol. Peu ou pas filtrés, certains vins bio ou naturels végans montrent une authenticité et une minéralité que la collage traditionnelle pouvait « gommer ».

Parmi les coups de cœur de la presse spécialisée en 2022 :

  • Le Chardonnay 2021 du Clos Saint-Michel à Mercurey, 100 % végane, noté 16/20 dans Le Figaro Vin.
  • Le Château Palmer (Margaux), qui en expérimentation sur ses micro-cuvées, a reçu les éloges de plusieurs Masters of Wine pour sa « sincérité d’expression ».

Un vin végane n’est donc pas un vin « insipide », bien au contraire : il exprime souvent la quintessence de son terroir sans artifice.

Le vin végane ne demande ni de renoncer à la diversité, ni à la qualité. Il invite à ré-explorer notre paysage œnologique, à poser des questions, à sortir de ses habitudes – tout en se faisant plaisir. Les maisons les plus pointues l’ont déjà compris : la qualité n’a rien à envier au « classique », et la diversité des sols et des cépages français se retrouve pleinement dans le verre, pour peu qu’on prenne la peine de la chercher… sans se contenter des habitudes.

Boire végane, c’est ouvrir la porte à une gamme de vins encore plus variée, inventive et – osons le terme – visionnaire. Et si demain, la nouvelle définition du grand vin français était celle qui respecte à la fois le terroir, le goût, les animaux et la planète ?