Ces vignerons qui disent non aux labels : décryptage d’un choix audacieux (ou déroutant)

17 avril 2025

Pour bien comprendre, revenons rapidement à ce que signifie être certifié. En matière de vin, les labels sont des garanties officielles validées par des organismes indépendants. Par exemple :

  • Le label bio : il certifie que les raisins sont cultivés sans produits chimiques de synthèse (pesticides, herbicides, engrais) et que le vin respecte certaines règles pendant la vinification.
  • La biodynamie : indiquée par des labels comme Demeter ou Biodyvin, elle va plus loin : respect des rythmes lunaires, utilisation de préparations à base de matières naturelles, etc.
  • Vin naturel : il n’existe pas de label officiel pour le "vin naturel", mais des associations comme l’AVN (Association des Vins Naturels) posent leurs propres critères : zéro intrants (ou presque) en cave, fermentations spontanées, levures indigènes, etc.
  • Végane : un certificat garantit ici que ni albumine (blanc d’œuf), ni caséine (protéine de lait), ni colle de poisson n’ont été utilisés pour la clarification du vin.

Alors, pourquoi refuser une certification quand on coche toutes les cases ? Parlons-en !

Commençons par le nerf de la guerre : l’argent. Se faire certifier représente un investissement non négligeable pour un domaine. Le coût peut varier selon l’organisme certificateur, la surface du vignoble ou encore la durée d’audit, mais on parle souvent de plusieurs milliers d’euros. À cela s’ajoutent des frais annuels pour maintenir la certification. Bref, tous ces euros en moins, ça compte, surtout pour les petits domaines ou les jeunes vignerons qui débutent.

Et puis, il ne faut pas oublier que beaucoup de certifications demandent une transition de plusieurs années. Pour un vigneron qui convertit son domaine au bio, cela peut prendre jusqu’à trois ans avant d’obtenir l’appellation "vin biologique". Pendant ce temps ? Pas de label sur la bouteille... mais des coûts supplémentaires et une vigilance accrue sur les pratiques. Pas très motivant, convenons-en.

Certains vignerons, notamment ceux qui produisent des vins naturels ou à très faible intervention, adoptent une posture profondément anti-industrielle et refusent d’entrer dans la "machine des labels". À leurs yeux, se labelliser, c’est s’aligner sur un système qu’ils critiquent justement pour son côté trop normatif ou bureaucratique.

Difficile à croire ? Pensez à ces vignerons pour qui le vin est une philosophie autant qu’un produit. Ils prônent la transparence totale et estiment que le contact direct avec leurs consommateurs suffit pour établir une relation de confiance. Un vigneron engagé expliquera souvent son approche directement sur son site web, lors d’une visite au domaine ou via ses réseaux sociaux. En somme, pas besoin de tampon officiel pour prouver sa bonne foi.

Il faut aussi mentionner un phénomène paradoxal : bien que les labels soient faits pour clarifier les choses, pour certains vins alternatifs, ils peuvent embrouiller les consommateurs.

Entrons dans les détails techniques. Obtenir une certification implique de respecter un cahier des charges strict, fixé par l’organisme certificateur. Or, plusieurs vignerons dénoncent ces règlementations comme étant trop rigides… ou pas assez !

Côté vin bio, par exemple, le label n’impose rien sur la quantité de sulfites dans les limites permises par la législation (un vin bio peut contenir jusqu’à 100 mg/L de SO2 pour un rouge). Pour certains puristes du vin naturel, c’est un problème, car ils préfèrent une intervention minimale, voire zéro sulfites.

À l’inverse, d’autres vignerons trouvent ces cahiers des charges contraignants : ils regrettent de ne pas pouvoir « déroger » à une règle ponctuellement en cas de millésime difficile (par exemple une maladie comme le mildiou qui pourrait ravager toute une parcelle s’ils n’interviennent pas rapidement).

Enfin – et ça peut surprendre –, le label végane est parfois évité car certains consommateurs le perçoivent comme accessoire, voire gadget. Un vigneron m’a un jour confié qu’il n’avait pas pris la peine de certifier ses pratiques véganes car "les gens s’en fichent un peu tant qu’ils aiment le goût du vin". Discours à nuancer, bien sûr, mais qui reflète des priorités variées parmi les professionnels.

Il y a une autre raison bien plus personnelle pour laquelle certains vignerons renoncent à la certification : ils estiment que leurs pratiques parlent d’elles-mêmes. Ces producteurs sont souvent des passionnés qui travaillent leur vigne comme un véritable éco-système, mais sans afficher de logo sur leurs bouteilles. Pourquoi ? Parfois par humilité, parfois par découragement devant la "guerre des labels".

Ce phénomène touche particulièrement les vins naturels qui restent en dehors de tout cadre officiel. Beaucoup de vignerons naturels refusent même catégoriquement le mot "vin" pour qualifier leurs cuvées, préférant parler de "jus de raisin fermenté". Ces artisans défendent un engagement total pour des vins vivants, personnels, en dehors de la "dictature des étiquettes".

Tout ça, c’est bien beau, mais pour nous autres, amateurs et consommateurs, ça complique un peu la donne, non ? Se fier aux labels a au moins l’avantage de garantir un certain niveau de transparence et de standardisation. Si un vin n’a pas de certification, comment savoir ce qu’il contient réellement ou comment il a été produit ?

Voilà quelques pistes pour s’y retrouver :

  • Se renseigner sur le domaine : Beaucoup de producteurs expliquent leurs démarches sur leur site web ou lors de salons spécialisés. Ne soyez pas timides, posez des questions !
  • Faire confiance aux cavistes indépendants : Ces passionnés connaissent souvent très bien les vins qu’ils proposent. Ils pourront vous orienter vers des vignerons engagés, même sans label.
  • Tester, goûter, explorer : Le monde du vin regorge de pépites méconnues. Parfois, il suffit de sortir des sentiers battus pour découvrir une philosophie qui résonne avec vos valeurs.

Sans les labels, difficile d’imaginer un marché aussi complexe que celui du vin. Ils restent une aide précieuse pour consommer de manière plus responsable et éclairée. Toutefois, leur absence n’est pas nécessairement un manque de qualité, bien au contraire ! Derrière ces bouteilles sans certification, on trouve souvent des vignerons authentiques, audacieux et parfois un peu rebelles. Peut-être qu’au final, c’est aussi ça, le charme du vin éthique : partir à la rencontre de l’humain autant que du produit.