Champagne et véganisme : bulles festives ou faux-amis ? Démêler le vrai du faux

23 juin 2025

Le champagne a cette aura festive, presque magique. Mais lorsqu’on commence à traquer les ingrédients cachés et les pratiques douteuses, la magie retombe parfois… Surtout si on souhaite trinquer sans faire de compromis sur l’éthique ! Peut-on réellement trouver des champagnes certifiés végans ? Spoiler : oui, ils existent, mais ce n’est pas encore la bulle la plus facile à attraper.

Et pour cause. Le cahier des charges champenois est pointu, le processus d’élaboration traditionnel fait appel à des techniques héritées du passé… et pas toujours très "friendly" pour les animaux. Un champagne est-il par défaut végane ? Absolument pas ! Pour s’y retrouver, mieux vaut savoir où regarder… et ce que cache l’étiquette.

D’abord, un rappel qui surprend souvent : tous les vins, et donc tous les champagnes, ne sont pas automatiquement végans (L214). La raison principale : le collage. Non, il ne s’agit pas d’une histoire d’étiquettes, mais d’une étape cruciale pour rendre le vin limpide en éliminant les particules en suspension. Or, les agents de collage classiques sont quasiment tous d’origine animale.

Agent de collage traditionnel Origine Fréquence en Champagne
Blanc d’œuf (albumine) Poules Très fréquent
Gélatine Porc, poisson Modérée
Isinglass (colle de poisson) Poisson Peu fréquent
Caséine Lait de vache En diminution

Pour l’AOC Champagne, le blanc d’œuf bat tous les records d’utilisation : on estime qu’environ 80 % des champagnes conventionnels ont recours à ce co-produit animal lors du collage (France Bleu). À tel point que certains allergènes majeurs (œuf, lait, poisson) doivent même être signalés sur la contre-étiquette depuis 2012 (règlement UE n°1169/2011).

Mais pourquoi utiliser des produits animaux ?

  • Pour clarifier le vin plus rapidement qu’avec une simple décantation naturelle.
  • Pour stabiliser les arômes afin d’obtenir ce profil organoleptique si recherché du champagne.
  • Parce que la tradition régnait sans partage… jusqu’à l’essor du mouvement végane !

Aujourd’hui, l’industrie commence à évoluer, mais les pratiques anciennes restent bien ancrées. Résultat : il y a encore peu de champagnes végans certifiés, et il faut ouvrir l’œil pour les repérer dans les rayons !

Ce serait tellement simple si tous les champagnes végans portaient le label « Vegan » bien visible sur la bouteille… Ce n’est pas le cas, loin de là. Mais certains repères peuvent aider, à condition de savoir les décrypter.

Les labels végans vraiment fiables pour le champagne

  • Vegan Society : Le plus reconnu à l’international. Exige qu’aucun ingrédient ni auxiliaire de fabrication ne provienne d’un animal à toutes les étapes de la chaîne (y compris le bouchon et la colle de l’étiquette !)
  • V-Label (Vegan) : Géré par l’Union Végétarienne Européenne, il contrôle aussi la chaîne de production complète.
  • Expertise Végane Europe (EVE VEGAN) : Spécialiste du marché français, ce label exige un contrôle documentaire strict à chaque cuvée, pas uniquement au niveau du domaine entier.

À noter : Le label AB (Agriculture Biologique) ou Biodynamie (Demeter, Biodyvin) peut rassurer sur le respect de l’environnement, mais n’atteste absolument pas du véganisme du champagne.

Pourquoi si peu de champagnes affichent un label végan ?

  • Le coût du référencement et de la labellisation qui rebute nombre de petits producteurs.
  • Le manque d’information du grand public sur l’enjeu du véganisme dans les vins effervescents.
  • Le marketing traditionnel du champagne, qui préfère encore l’image de prestige aux revendications éthiques.

La majorité des champagnes végans… ne sont pas explicitement mentionnés comme tels ! Pour les détecter malgré tout, plusieurs astuces efficaces existent.

  1. Lire la contre-étiquette : La présence d’une mention « collage à l’argile », « pas d’utilisation d’intrants animaux » ou « sans allergènes d’origine animale » donne une bonne indication.
  2. Rechercher la mention « méthode traditionnelle sans albumine d’œuf » : Rare mais très explicite lorsqu’elle existe.
  3. Consulter le site du producteur : Beaucoup de maisons champenoises mettent en avant (sur leur rubrique FAQ ou engagements) leur choix de ne pas utiliser de collage animal, même sans label officiel.
  4. Questionner directement le vigneron ou le distributeur : C’est souvent la technique la plus fiable, surtout pour les petites productions confidentielles.

Quelques outils-malins pour s’aider :

  • Barnivore : la plus grande base de données internationale sur les alcools végans, liste de nombreux champagnes passés au crible par leurs utilisateurs.
  • Répertoire EVE Vegan : la liste française des vins et champagnes certifiés.

Le panorama champenois évolue vite, mais la proportion de producteurs 100 % végan reste modeste : selon Barnivore, seulement un peu plus d’une vingtaine de maisons se déclarent actuellement véganes, sur près de 300 grandes maisons et plus de 4700 vignerons indépendants. Mais les pionniers existent et prouvent que c’est possible, même pour des bulles de grande qualité.

Quelques champagnes vraiment végans à connaître :

  • Champagne Legret & Fils : Première maison champenoise à obtenir le label EVE VEGAN (cuvée « Tradition »), avec déclaration ouverte sur leurs méthodes sans intrants animaux.
  • Champagne Leclerc Briant : Engagée en biodynamie, végétalienne sur une partie de la gamme, avec certification V-Label.
  • Champagne Franck Pascal : Maison en biodynamie, collage à l’argile, pas d’utilisation de produits issus de l’animal.
  • Champagne Fleury : Biodynamie, n’utilise plus d’albumine depuis plusieurs millésimes, plusieurs cuvées référencées véganes par Barnivore.
  • Champagne Drappier : Maison historique engagée sur l’écoresponsabilité, plusieurs cuvées sans intrants animaux.

Certaines grandes maisons (Moët & Chandon, Veuve Clicquot, etc.) affichent parfois l’absence d’intrants animaux sur une partie ou l’ensemble de leur gamme… mais sans toujours garantir une certification systématique ni une méthode 100 % végane d’une année sur l’autre. Demandez, vérifiez, car la pratique peut changer au fil des millésimes !

La magie du champagne réside dans sa complexité et la précision de ses étapes. Mais pour devenir vraiment végane, tout se joue, principalement, au niveau du collage et parfois du conditionnement.

Zoom sur les alternatives végans au collage traditionnel

  • Bentonite : Argile naturelle, totalement d’origine minérale. Très efficace mais peut être « moins fine » que l’albumine, d’où un usage qui demande de l’expérience.
  • Protéines de pois ou de pomme de terre : Nouveau venu dans la viticulture éthique, ces extraits végétaux affichent une efficacité remarquable pour éliminer les particules en suspension, sans perturber le goût.
  • Décantation statique prolongée : Laisser le vin se clarifier naturellement, comme dans les grandes cuvées millésimées haut de gamme. Méthode ancestrale, zéro intrant… mais qui prend du temps.

Le vigneron doit ensuite vérifier l’absence d’ingrédients animaux dans tout le reste de la chaîne :

  • Bouchons en liège pur, ou capsules garanties sans colle animale.
  • Colle d’étiquetage végétale ou synthétique.
  • Aucun colorant animal pour la coloration du dosage (rare, mais surveillé).

À noter : aucun champagne 100 % végane n’utilise de cire sur le goulot d’origine animale (certaines cires traditionnelles contiennent de la cire d’abeille).

Soyons honnêtes : le grand mythe qui traîne dans les coulisses, c’est que le champagne végane serait synonyme de « goût altéré » ou « moins de finesse ». La réalité ? Absolument aucun test à l’aveugle mené à ce jour n’a permis de différencier un champagne végane haut de gamme d’une cuvée traditionnelle, à condition que le vigneron maîtrise la clarification alternative (ex : étude comparative IFV Champagne 2022).

Pour preuve, la maison Leclerc Briant a décroché la note de 17,5/20 (Bettane & Desseauve, Guide 2023) sur sa cuvée végane « La Croisette ». Leclerc Briant et Legret & Fils obtiennent également des distinctions régulières lors des concours internationaux ( La Revue du Vin de France ).

En d’autres termes, l’époque où « végane » rimait avec « vin expérimental » est révolue. Aujourd’hui, choisir un champagne végane, c’est surtout affirmer une exigence supplémentaire : œnologie et éthique main dans la main.

En 2023, les vins végans tous segments confondus atteignaient près de 3 % du marché français en progression constante (étude Wine Intelligence 2024). Champagne inclus, le mouvement reste marginal… mais gagne du terrain.

  • Les demandes de consommateurs sont en hausse : +40 % de requêtes liées aux « vins végans » sur Google en deux ans (source : SEMrush 2024).
  • Les exportations vers le Royaume-Uni ou l’Allemagne, à forte communauté végane, poussent les maisons à s’engager davantage (rapports CIVC 2023).
  • Le sujet du bien-être animal s’impose aussi dans les écoles de sommellerie, fédérant une jeune génération de professionnels exigeants.

Il ne serait pas surprenant de voir de plus en plus de maisons champenoises s’aligner sur la demande, quitte à révolutionner leur processus historique… et, pourquoi pas, à inventer l’art de la bulle végane !

  • Barnivore : la boussole mondiale des vins végans, régulièrement mise à jour.
  • EVE Vegan : le répertoire français pour vérifier une cuvée en un clic.
  • Vegan Society : comprendre le référentiel du label pionnier.
  • La Revue du Vin de France : dossier spécial « champagnes végans ».

Du côté des caves, les choix grands publics s’élargissent : Naturalia, biocoop, ou même certaines rayons en grande distribution commencent à référencer quelques cuvées éthiques (infos : Naturalia).

Conclusion ? Le champagne végane existe, inspirez, soufflez, servez : il n’a jamais été aussi simple de faire rimer bulles et conscience !