Accords gagnants : quels vins rouges végans pour vos plats mijotés végétaliens ?

5 juillet 2025

La cuisine végétalienne aime la générosité des plats mijotés. Lentilles, champignons, tofu, légumes racines rôtis... Ces recettes réconfortantes s'invitent désormais sur des tables qui veulent du goût sans compromis éthique. Mais quid du vin ? Tous les rouges ne sont pas égaux face à un seitan bourguignon ou à un chili sans viande. Choisir la bonne bouteille végane relève de l’alchimie – et d’un brin de curiosité.

Première surprise pour beaucoup : le vin n’est pas naturellement végan. Parmi les 60 à 70% de vins clarifiés avec des produits d’origine animale dans le monde (protéines d’œuf, caséine, gélatine, voire colle de poisson selon l'Organisation Internationale de la Vigne et du Vin), il faut savoir repérer les domaines qui s’engagent. Les rouges végans, eux, prennent la lumière – et la sensibilité – qu’on leur prête dans leur description, au sérieux jusqu’à la dernière goutte.

Mais un bon rouge végan peut-il rivaliser avec la profondeur d’un grand plat mijoté végétal ? Spoiler : oui, et même faire des étincelles à table. Voici comment faire matcher assiette et verre, sans compromis et sans fausse note.

Même les amateurs éclairés sont parfois pris au piège : leur Syrah préférée, ou même leur Bourgogne "bio", n’est pas forcément végane. La raison se niche du côté de la clarification (le "collage"), cette étape qui retire les particules en suspension dans le vin avant la mise en bouteille. Si la vrac d’antan laissait des dépôts dans le verre, aujourd’hui la majorité des vignerons clarifient... et beaucoup utilisent, parmi d’autres produits :

  • Blancs d’œuf ou ovoalbumine (pour les tanins des rouges puissants)
  • Gélatine animale (souvent de porc ou de poisson)
  • Caséine (protéine du lait)
  • Colle de poisson (ichtyocolle)
    • Anecdote étonnante : la colle d’esturgeon a longtemps clarifié les plus grands crus de Bordeaux ! (source : Vitisphere).

Ces pratiques sont aujourd’hui parfois remplacées par des alternatives :

  • Bentotite (argile)
  • Protéines de pois ou de pomme de terre
  • Vins non-collés/non-filtrés

L’Europe a obligé depuis 2012 l’indication des allergènes (œuf, lait) sur les étiquettes, mais rien n’impose encore un label végan clair pour le consommateur. Les labels comme Vegan Society (source) ou des chartes privées commencent seulement à émerger.

Épicuriens, ne sous-estimez jamais un bon plat mijoté veggie ! Le succès d’un accord commence par la compréhension du plat. Sans viande, la structure du plat change : moins de gras animal, plus de saveurs végétales pures, souvent un mélange d’umami (champignons, tomates, sauce soja...) et de douceur (courges, carottes, patates douces).

  • Structure & texture : la réussite d’un "bourguignon de légumes" ou d’un curry lentilles-épices dépend du liant (purée de légumes, lait de coco, sauce tomate, bouillon)
  • Puissance aromatique : herbes fraîches, épices, condiments (miso, levure maltée, tamari...)
  • Umami : pilier des mijotés vegan, il se trouve dans les champignons, tomates séchées, olives, soja.

Un plat mijoté végétal se révèle moins saturé en gras qu’un bœuf bourguignon, laissant au vin la possibilité d’être dans la dentelle ou de jouer l’écho avec le fondant du plat.

Le secret d’un accord réussi réside dans l’équilibre. Voilà les critères majeurs pour orienter votre choix :

  1. Une structure tanique modérée :
    • Le plat vegan n’offre pas le gras de la viande pour "arrondir" les tanins agressifs. Fuyez donc les rouges ultra extraits, massifs et boisés (adieu certains Malbec ou Cabernet sur-concentrés !).
    • Misez sur des vins souples, à tanin fin, voire élégamment arrondis par quelques années de bouteille.
  2. Une acidité maîtrisée, voire rafraîchissante :
    • Un mijoté savoureux (ratatouille, curry de lentilles) place l’acidité au centre : elle réveille le plat et aide à digérer la matière.
    • Les cépages à belle acidité naturelle sont donc rois.
  3. L’aromatique : intensité & écho avec les saveurs du plat :
    • Les rouges sur les fruits mûrs (cerise, prune, mûre), les notes épicées ou même un soupçon de sous-bois feront des merveilles.

Certaines régions et cépages s’imposent par leur polyvalence, leur accessibilité et la présence (croissante) de vignerons engagés en véganisme :

  • Pinot Noir (Bourgogne, Alsace, Loire, Allemagne) :
    • Cépage roi des accords mets-vins végans : tanins fins, aromatique subtile, acidité vivifiante – parfait avec des champignons, tofu grillé, et plats mijotés légers type navarin de légumes ou risotto aux cèpes.
  • Gamay (Beaujolais, Loire) :
    • Idéal quand on veut du fruit, de la fraîcheur et une structure légère. Un Morgon ou Brouilly végane accompagnera sans faiblir le réconfort d’un chili sans viande, d’un tajine de légumes ou d’un curry doux.
  • Syrah / Shiraz (Rhône Nord, Languedoc) :
    • Tanins élégants, notes poivrées qui matchent avec les mijotés épicés, lentilles corail à la tomate, seitan bourguignon, etc.
  • Grenache (Rhône Sud, Espagne) :
    • Pour les plats plus méditerranéens, la rondeur et la souplesse du grenache (Côtes-du-Rhône végane, Rioja végane) joue le duo parfait avec ratatouilles ou tajines sucrés-salés.
  • Sangiovese (Italie, Toscane) :
    • C’est le roi des accord avec les plats à la tomate, l’umami puissant, et les herbes aromatiques. Essayez un Chianti Classico végane ou un Montepulciano pour votre ragoût vegan d’aubergines ou de pois chiches.

Note technique : les vins rouges issus de l’agriculture bio, biodynamique ou nature sont plus souvent végans, mais rien ne vaut la vérification directe (demande au caviste, recherche sur Barnivore.com, etc.).

Prendre le temps de choisir une bouteille qui respecte ses valeurs, c’est aussi soutenir des vignerons qui s’engagent dans le changement. Parmi les références fiables, voici une sélection de domaines, régulièrement salués pour leur cohérence éthique et la qualité de leurs vins (sources : labels Vegan Society, Médaille Vegan Wine Guide 2023, consultés en 2024) :

  • Château La Rayre (Bergerac) — Gamay et Merlot, vins rouges aromatiques et certifiés végans
  • La Cave d'Augustin Florent (Beaujolais) — Gamay végans sur Morgon, Brouilly, Fleurie
  • Domaine de la Roche aux Moines (Savennières, Loire) — Pinot noir en micro-cuvée, nature, non-collé
  • Bodegas Piqueras (Almansa, Espagne) — Tempranillo bio végans, parfait pour tajines
  • Les Vins de Sylla (Rhône) — Côtes-du-Rhône et Ventoux végans, majoritairement Grenache/Syrah

Anecdote : En 2023, le nombre de domaines explicitement végans signalés sur Barnivore.com a bondi de près de 40% en France par rapport à 2021, reflet d’un mouvement de fond vers plus de transparence (Barnivore).

Plat mijoté végane Style de vin rouge végane Idée de domaine
Bourguignon de seitan aux cèpes Pinot noir souple, fruité, peu boisé Domaine Roche aux Moines (Loire)
Curry de lentilles, carottes, lait de coco Gamay frais ou Grenache léger La Cave d’Augustin Florent (Beaujolais)
Ragoût de pois chiches, sauce tomate épicée Sangiovese ou Tempranillo vegan Bodegas Piqueras (Espagne)
Tajine de légumes et pruneaux Grenache gourmand, Syrah fruitée Les Vins de Sylla (Rhône)
Chili sin carne haricots rouges et poivrons Gamay charnu, Pinot noir un peu évolué Château La Rayre (Bergerac)
  • Ouvrez le vin au moins une heure à l’avance : Les rouges végans (et naturels) présentent parfois un léger trouble ou une note "réduite" à l’ouverture. Le carafage les réveille tout en enlevant ce côté fermé.
  • Servez légèrement rafraîchi : 15-16°C est un optimum. Un peu plus bas que les rouges lambdas : cela soulignera la fraîcheur et évitera les arômes cuits.
  • Préférez des vins de millésime récent ou de 2-3 ans : les tanins seront plus souples, le vin plus ouvert, mieux adapté à la texture des plats végétaliens.
  • Testez les accords terre-mer : Champignons, algues, tomates séchées forment une passerelle gustative avec les notes "terreuses" de certains pinot ou gamay.

Le boom des plats mijotés végétaliens, loin d’être une mode passagère, dessine une trajectoire pour tout l’univers du vin : en 2022, un foyer sur six en France déclarait avoir diminué ou supprimé sa consommation de viande (source : Planet Vegan). À l’échelle mondiale, la catégorie des vins explicitement végans progresse de 25% par an (source : Wine Intelligence, juin 2023).

Adapter son vin à sa cuisine végétalienne, c’est aussi remettre le goût, la curiosité et le partage au centre. Plus qu’une tendance, c’est une nouvelle grammaire gourmande qui s’invente. De quoi ouvrir la voie à une génération de vins rouges portant fièrement leur label végan, du vignoble à la table !